Aller contre le vent
Performances, actions et autres rituels
Avec les oeuvres de Marina Abramovic, Saâdane Afif, Maja Bajevic et Emanuel Licha, Béatrice Balcou, Éric Baudelaire, Neal Beggs et Jean-Christophe Norman et Laurent Tixador, Patrick Bernier et Olive Martin, Davide Bertocchi, Ulla von Brandenburg, Alex Cecchetti, Elisabeth S. Clark, Compagnie Labkine, Lise Daynac & Valeria Giuga, Manon De Boer, Cyprien Gaillard, Mario García Torres, Gerard & Kelly, John Giorno, Anna Holveck, Ann Veronica Janssens, Július Koller, Micha Laury, Xavier Le Roy, Élodie Lesourd, Marie Lund, Angelica Mesiti, Ari Benjamin Meyers, Roman Ondak, Régis Perray, Matthieu Saladin, Shimabuku, Roman Signer, Cally Spooner, The Play, Untel.
Aller contre le vent, performances, actions et autres rituels est composée d’œuvres de la collection du Frac relevant de la dimension performative au sens large du terme, autrement dit des œuvres ayant à voir avec les notions de durée, d’éphémère, de mouvement, de vivant.
Évoquant l’histoire de la performance et sa postérité, Aller contre le vent propose un corpus d’œuvres composées d’archives, de traces, autrement dit la mémoire de performances ou d’« actions », et d’autres qui en sont la préfiguration. On y trouve également des œuvres qui sont la captation de ces propositions immatérielles et éphémères sous forme de films, de vidéos et de photographies et des installations, des volumes qui les prolongent, les recyclent en quelque sorte. Elle se compose enfin de performances elles-mêmes, qui sont régulièrement réactivées, ainsi que d’œuvres requérant l’intervention du public.
À partir de ces deux derniers ensembles, Aller contre le vent interroge la notion de délégation qui manifeste de la part des artistes une volonté de partage et une relation de confiance : La délégation faite à l’institution, inhérente aux performances, tout comme celle faite au public qui devient un « acteur » essentiel à l’achèvement de leurs œuvres. Dans les deux cas, celles-ci n’existent réellement ou n’atteignent vraiment leur complétude qu’au moment où quelqu’un leur donne vie. En cela, ces œuvres offrent des similitudes avec le spectacle vivant que s’attache à souligner l’exposition via des œuvres transdisciplinaires.
Aller contre le vent, performances, actions et autres rituels témoigne aussi de l’évolution d’une collection qui, au fil du temps, a pris en considération des œuvres s’inscrivant dans la mouvance des années 60-70 marquées par l’émergence des performances et happenings : des propositions qui, dans le contexte politique de l’époque, participaient du rejet des institutions. À ce mouvement de contestation des valeurs traditionnelles relatives à la définition de l’œuvre et au statut de l’artiste, fait écho le titre de l’exposition emprunté au collectif japonais The Play.
En proposant ces œuvres immatérielles et éphémères, il s’agissait alors pour les artistes de réduire l’écart entre l’art et la vie et d’aller à la rencontre directe d’un public qu’ils pouvaient parfois solliciter et associer. Mais les problèmes relatifs à la visibilité de leur travail les conduiront à revenir dans les espaces conventionnels et à des productions matérielles en donnant à leurs archives le statut d’œuvre d’art.
Aujourd’hui les artistes poursuivent en effet l’aventure de la performance, dans son acception très large, au cœur d’une institution avec laquelle ils entretiennent une relation symbiotique. Car de son côté, celle-ci s’est réinventée : elle invite le public à participer à de nouveaux rituels au sein desquels il est un acteur essentiel. Et via les performances qu’elle active – à l’instar du théâtre, de la musique ou de la danse – elle orchestre en quelque sorte des « cérémoniaux ». In fine, rejoignant les aspirations des pionniers de la « performance », à tous les stades, elle incorpore désormais le vivant.
Sylvie Zavatta,
directrice du Frac et commissaire de l’exposition