Silvia Bächli / Weiter wird. Les abords.
«Mon travail ressemble à un monologue à haute voix » dit l’artiste suisse Silvia Bächli qui évoque également la similitude entre sa pratique du dessin et la poésie, toutes deux relevant de l’avènement d’images préconscientes. Mes dessins arrivent quelquefois comme des somnambules» ajoute- t-elle. Mais d’où arrivent-ils ?
Il aura fallu d’abord une attention particulière portée aux détails et une disponibilité au monde. Lors de ses cheminements quasi quotidiens dans les paysages naturels ou urbains, elle saisit « un climat », s’emplit de sensations, perçoit au rythme de ses pas des formes mouvantes. Tout cela, elle les laisse advenir ensuite sur la feuille de papier, nécessairement fragmentés, tels des souvenirs épars et nébuleux frappés d’incomplétude mais dotés d’une énergie nouvelle générée par un geste qui engage tout son corps.
Aucun réalisme bien sûr mais une «transcription» toujours sensible de ses souvenirs et sensations dans un registre abstrait et parfois figuratif. Les lignes se déploient. Les traits dessinent des formes diluées, dans des couleurs pastelles ou des tonalités de gris. Elles semblent inachevées et vouloir se prolonger au-delà du papier, hors cadre, aux abords. Leur occupation de l’espace ménage une large place au blanc, au vide, ce qui n’est pas sans rappeler la calligraphie ou la peinture asiatique.
Une méthode analogue préside à l’accrochage des dessins lors de leur présentation publique. Mais plus que d’accrochage, il conviendrait ici de parler d’installation ou de composition tant au sens plastique qu’au sens musical. Car les accrochages de Silvia Bächli sont une mise en page visant à l’harmonie par opposition et complémentarité et à l’équilibre entre le plein et le vide. Petits et grands formats, dessins figuratifs et abstraits, dessins en noir et blanc et dessins en couleur alternent pour créer un rythme que le regard embrasse d’un seul tenant comme s’il s’agissait d’une seule et même oeuvre avant de s’aventurer dans les détails que constituent chaque dessin individuellement. Et chaque interstice dans cette composition est autant un vide qu’un silence.
Au Frac, les dessins sont accompagnés d’une pièce intitulée Hafnargata rassemblant des photographies que l’artiste a réalisées avec son compagnon, l’artiste Eric Hattan, lors d’un séjour en Islande entre mars et juin 2008.