Sébastien Thiéry (PEROU), Considérant qu’il est plausible que de tels événements puissent à nouveau survenir
Le film de Sébastien Thiéry (PEROU) se situe à la croisée du cinéma, de l’action sociale, de l’architecture et de l’urbanisme mais aussi des sciences politiques, et notamment des politiques de la Ville.
L’efficacité formelle de ce «film-poème» réside dans la juxtaposition de deux logiques : celle de l’association PEROU, à l’initiative d’une «fabrique de l’hospitalité», revendiquée dans son manifeste transformant un bidonville de Ris-Orangis réunissant cent quarante citoyens européens de nationalité roumaine en un espace d’apprentissage, de partage, de fête, de création – et celle de l’arrêté municipal ordonnant la destruction du campement par des pelleteuses, dont le texte est énoncé froidement par une voix off. L’absurdité et la violence désincarnée de cette voix représentant le pouvoir officiel contrastent avec l’action joyeuse et vivante des habitants, artistes, architectes, chercheurs, riverains, tous maîtres d’œuvre d’un projet d’insertion pensant les différents besoins de ses usagers (salubrité et sécurité, sociabilité, éducation, culture, culte, bien-être).
Le temps de la lecture du texte, implacable, qui stipule la destruction et le déplacement des habitants est aussi, par le biais du montage cinématographique, celui de la construction d’un possible espace de vie collectif, modeste mais durable.
L’action de Sébastien Thiéry (PEROU) évoque la distinction que faisait Godard, dans son célèbre texte What is to be done ? entre «faire des films politiques» et «faire des films politiquement», opposant l’acte de «faire des descriptions des situations (…) décrire la misère du monde» et celui de «faire une analyse concrète de situation concrète (…) montrer le peuple en lutte (…) savoir se servir des images et des sons comme les dents et les lèvres pour mordre (…) militer».