All-in, Mohamed Bourouissa
Mohamed Bourouissa, photographe et vidéaste, met en scène la banlieue. Il s’intéresse au rapport de force entre sa population et l’autorité, et s’interroge sur la mécanique du pouvoir au travers d’images iconiques dont l’esthétique fait souvent référence à Géricault ou au Caravage. Dans une relation critique à l’image et aux préjugés véhiculés par les médias, il prend pour sujets ceux et celles qui se trouvent à la lisière, entre intégration et exclusion. Son oeuvre fait désormais partie de la collection du Frac Franche-Comté qui a acquis récemment la vidéo All-in, réalisée en 2012 dans le cadre de la Nuit Blanche à l’invitation de la Monnaie de Paris.
Deux univers a priori incompatibles entrent en collision dans ce film : celui du capitalisme, de l’argent et du pouvoir représenté par la plus vieille institution française qu’est la Monnaie de Paris et celui du rap dont les origines remontent aux années 1970 dans les ghettos américains et qui, après s’être propagé de par le monde, demeure aujourd’hui l’un des symboles du mal-être et de la contestation des minorités.
All-in orchestre la rencontre improbable entre ces deux mondes, tout en interrogeant la question de la fabrication de l’image, au sens de marque de notoriété : celle de l’institution immuable et de ses ors, celle d’un rappeur dont les paroles le situent du côté de la marge et de l’antisystème. Ainsi assiste-t-on à la réalisation, par les maîtres graveurs de l’usine
de la Monnaie de Paris située à Pessac, d’une médaille à l’effigie de Booba, d’après un dessin de Mohamed Bourouissa. La vidéo, qui a pour bande-son une chanson autobiographique du rappeur intitulée Foetus, prend les allures d’un clip qui, reprenant les codes des clips de rap (argent, objets de luxe et jolies femmes), s’achève dans les somptueux salons de la vénérable institution, située Quai Conti dans le 6e arrondissement de Paris. Ceux-ci semblent avoir été le théâtre d’une réception fastueuse qui, à en croire ses vestiges, aurait quelque peu dégénéré. Une avalanche de pièces achève d’en détruire le décor.
Alliance ponctuelle entre l’institution et l’une des figures de la contre-culture urbaine, All-in est une allégorie de l’« anarchisme libéral » qui règne sur nos sociétés occidentales, où l’argent est vecteur et symbole de réussite individuelle. Elle souligne ainsi les connivences et relations symbiotiques entre ces deux mondes que l’on pourrait croire à tort irréconciliables.
All-in, Mohamed Bourouissa