Thierry Géhin - Trois maisons vertes
en collaboration avec le Centre Régional du Livre de Franche-Comté dans le cadre de la 6ème édition des Petites fêtes de Dionysos - Rencontres littéraires en Pays d'Arbois et de Revermont<BR><BR>
Dans ces trois maisons, la porte reste toujours ouverte. Pourtant, elles ne sont pas vraiment accueillantes ; si vous franchissez le pas de la porte vous êtes encore au dehors. Certes, le seuil marque une limite théorique et symbolique entre le dedans et le dehors, entre le devant et le derrière ; mais ces maisons à l’échelle de vraies maisons de vignerons, des maisons-dépendances à distance de la principale, ne sont qu’un décor, une limite, une indication dans le paysage, un manque, une absence.
Ces maisons ne sont pas enracinées, elles flottent, décollées du sol, hissées dans le paysage. Le visiteur peut déambuler autour et passer au travers de ces trois silhouettes, celles-ci sont bien à l’échelle de l’homme, même si au pied de ces panneaux, elles peuvent paraître soudain monumentales. Ces trois maisons-panneaux s’affichent et font front sur une vingtaine de mètres, jusqu'à presque quatre mètres de hauteur, et si vous êtes là à un moment propice, elles projettent leurs ombres nettes et découpées sur le sol.
Ces silhouettes qui s’inscrivent dans le paysage, données à voir et à expérimenter sont aussi des artefacts, des maisons-objets et des maisons-concepts. Le passage d’une vue en perspective en trois dimensions à une surface en deux dimensions opère la transformation : ce sont des façades inédites ; la mutation s’est effectuée, les espaces à vivre initiaux sont désormais des maisons inhabitables.
Pour se fondre discrètement dans le paysage, les trois maisons sont vertes, mais d’un vert qui n’existe pas alentour ; ces trois signes doivent rester visibles, lisibles dans le paysage, même si vous reculez jusqu’à la route qui passe devant le domaine.
De l’autre côté, une fois l’un des seuils franchi, ou l’une des maisons contournée, c’est l’envers du décor ; la structure de ces constructions apparaît, les chevrons en bois clair s’ajoutent au dos des panneaux également laissés en bois brut.
Ces panneaux n’affichent qu’eux-même, et ne font de la publicité pour personne. Nous pourrions tout aussi bien les considérer comme des tableaux, autant des tableaux d’école encore vierges, que des peintures, des monochromes tout à fait aboutis. Les ouvertures, portes et fenêtres, sont elles aussi autant des tableaux, des cadres cernant le paysage, que des cadres par où regarder, voir le monde. Ces trois maisons vertes n’ont qu’une porte et une seule fenêtre, en tout cas nous n’en voyons pas d’autres, il est assez facile d’imaginer qu’on puisse s’y réfugier, à l’intérieur, à l’abri ; mais dans ces minces édifices il manque un détail, un élément essentiel : il n’y a pas de cheminée.
Thierry Géhin
Thierry Géhin - Trois maisons vertes