Archéologie, le jour d'après
En écho à l'exposition organisée par le Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, sous le titre De Vesontio à Besançon, la ville s'expose, le Frac propose Archéologie, le jour d'après. Cette exposition rassemble des œuvres de Maja Bajevic et Emmanuel Licha, Michel Blazy, Etienne Bossut, Didier Marcel, Nicolas Moulin, Gianni Motti et Paul Pouvreau, dont certaines appartiennent aux collections du Frac et une peinture de Viviano Codazzi et Micco Spadaro (XVIIe siêcle) appartenant au Musée. Chacune s'empare à sa maniêre de la question du temps.
Nulle esthétique de la mort dans ces œuvres qui nous parlent au contraire de la permanence des choses : qu'elles relêvent de la vidéo, de la photo, de la sculpture ou de la peinture, elles traitent en effet de l'écoulement du temps, de l'éphémêre, la disparition, l'érosion, mais aussi de la mémoire et du renouvellement. A moins qu'elles ne soient des projections quasi «visionnaires», fictions d'un monde à venir, ou des évocations amusées de ce que pourraient découvrir ou reconstituer de notre époque les archéologues de demain.
C'est aussi la façon dont les artistes abordent la notion d'événement, ce moment où tout bascule, entre l'avant et l'aprês, qui est le sujet de l'exposition. Ils nous livrent, entre documentaire et fiction, leur vision de ce moment où quelque chose de notre présent se dissout, s'achêve, s'est achevé de notre vécu alors qu'autre chose advient déjà . Et forcément cela nous touche et nous regarde, puisque chaque seconde qui passe nous fait basculer d'un état à l'autre, dans ce déséquilibre propre à la marche du temps.
Quelque chose s'écroule, s'effondre sur soi-même, s'anéantit, usé par le temps. Ca fuit de toute part, ça se lézarde. La machine s'est déréglée, l'édifice prend l'eau, il fallait bien s'y attendre. On contemple le naufrage, ça s'enfonce tout doucement mais de façon inexorable. Une caméra vidéo a enregistré le processus du désastre. Cette cabane de cartons d'emballage qui s'affaisse au gré du temps, de la pluie et du vent, c'est celle de Paul Pouvreau et c'est aussi un écran où se projette notre vie toute entiêre, l'éternelle histoire du Roi qui se meurt. Aprês, restera un tas informe et mou, puis presque rien, sinon un souvenir.
Nulle esthétique de la mort dans ces œuvres qui nous parlent au contraire de la permanence des choses : qu'elles relêvent de la vidéo, de la photo, de la sculpture ou de la peinture, elles traitent en effet de l'écoulement du temps, de l'éphémêre, la disparition, l'érosion, mais aussi de la mémoire et du renouvellement. A moins qu'elles ne soient des projections quasi «visionnaires», fictions d'un monde à venir, ou des évocations amusées de ce que pourraient découvrir ou reconstituer de notre époque les archéologues de demain.
C'est aussi la façon dont les artistes abordent la notion d'événement, ce moment où tout bascule, entre l'avant et l'aprês, qui est le sujet de l'exposition. Ils nous livrent, entre documentaire et fiction, leur vision de ce moment où quelque chose de notre présent se dissout, s'achêve, s'est achevé de notre vécu alors qu'autre chose advient déjà . Et forcément cela nous touche et nous regarde, puisque chaque seconde qui passe nous fait basculer d'un état à l'autre, dans ce déséquilibre propre à la marche du temps.
Quelque chose s'écroule, s'effondre sur soi-même, s'anéantit, usé par le temps. Ca fuit de toute part, ça se lézarde. La machine s'est déréglée, l'édifice prend l'eau, il fallait bien s'y attendre. On contemple le naufrage, ça s'enfonce tout doucement mais de façon inexorable. Une caméra vidéo a enregistré le processus du désastre. Cette cabane de cartons d'emballage qui s'affaisse au gré du temps, de la pluie et du vent, c'est celle de Paul Pouvreau et c'est aussi un écran où se projette notre vie toute entiêre, l'éternelle histoire du Roi qui se meurt. Aprês, restera un tas informe et mou, puis presque rien, sinon un souvenir.
Quelque chose a disparu, on s'en souvient. On ressasse, on répête sans cesse la même histoire. Celle de notre enfance. Depuis, la maison a été vendue ou bien détruite par les promoteurs ou par la guerre. Je me souviens de chaque détail. Je répête et ressasse. à il y avait la cuisine et ici notre chambre. Il fallait monter des escaliers pour pénétrer dans cette salle... On s'en souvient et on redit les piêces de la maison, l'odeur aussi. Le temps ne fait rien à l'affaire, dans notre mémoire, la maison inaccessible est immuable, intacte. Je le dis pour transmettre et conserver un peu de ma vie d'avant. Parfois pour moi seule, je dessine dans ma tête l'immense méandre des couloirs, les plans de ma mémoire. Et j'arpente en rêve le théâtre de mon passé. La vidéo de Maja Bajevic réalisée en collaboration avec Emmanuel Licha, c'est cela : la même entreprise têtue et désespérée de matérialiser son souvenir, d'incarner à nouveau son corps d'enfant, d'avant, dans cet espace-temps révolu par la guerre. Plus qu'arpenter l'espace vide, Maja Bajevic arpente son histoire.
Extrapolations : Gianni Motti, c'est l'artiste qui parodie Dieu en personne et revendique par voie de presse, dans un grand éclat de rire tonitruant, les catastrophes et événements naturels depuis les tremblements de terre jusqu'aux éclipses ? Qu'adviendra-t-il lorsque sa bombe aura achevé son compte à rebours et fait exploser le soleil ? Que restera-t-il de nous sinon des objets et des ruines ?
Etienne Bossut y a songé qui duplique ces choses en partance, ces objets triviaux auxquels nul n'attache d'importance et si peu de regard tables, bassines, chaises ou ustensiles de cuisine... Non sans humour, il construit le musée des arts et traditions populaires de notre époque pour les siêcles à venir. Il érige les bidons en monuments, transfigure une louche, sacralise une botte. Il moule nos objets quotidiens. Il en fixe l'image et les répête à satiété dans toutes les couleurs de notre société de consommation. Ce faisant, Etienne Bossut se substitue aux archéologues de demain et « leur mâche » en quelque sorte le travail tout en s'amusant à brouiller les pistes, comme avec cette improbable colonne de bidons à l'équilibre impossible qui renvoie autant à l'archétype du temple antique qu'à notre civilisation du pétrole : un mémorial ironique d'une époque à la fin annoncée...
Didier Marcel lui répond d'une maniêre non moins dénuée d'humour : d'ordinaire, les maquettes sont des projections tridimensionnelles et réduites de bâtiments à venir. Celles de Didier Marcel présentent des bâtiments existants mais délabrés. Tournant sur elles-mêmes en une ronde dérisoire comme ces petites danseuses au fond des bouteilles, ce sont des maquettes paradoxales d'édifices en état d'achêvement. Chez Didier Marcel, la ruine est donc affaire d'actualité.
Quant à Nicolas Moulin, il nous offre avec ViderParis, le portrait vidéo d'une ville close, désertée et condamnée, l'anti-Cité Idéale en quelque sorte. Car la ville utopique représentée dans le tableau d'Urbino, avec ses portes et fenêtres entrebaillées, nous offrait, elle au moins, une alternative : soit trop parfaite elle avait vu fuir ses habitants, soit elle s'apprêtait au contraire à les accueillir.
A l'heure de la grippe aviaire, les Chocopoules de Michel Blazy sont un clin d'œil. L'artiste a réalisé des effigies en crême chocolatée de ces volatiles qui aujourd'hui nous menacent. Toute l'ambivalence entre le «bon et le mal» se trouve concentrée ici dans ces sculptures élaborées dans un matériau éphémêre. Elles sont à , bien présentes, bien plantées sur leur deux pattes dans la salle du musée, comme pétrifiées un moment, en attente de se dégrader, de s'effriter.
Pourtant, cette histoire ne s'achêve pas par la promesse du néant car on le sait, même aprês, il y aura encore quelque chose qu'on ignore et qu'il nous est impossible de prévoir. Ainsi cette peinture murale de Michel Blazy, réalisée en agar-agar, évoque des fresques en lambeaux, tout en nous parlant d'entropie, de transformation, d'évolution permanente : oui, tout se transforme un jour, aprês...
Sylvie Zavatta
Directrice du Frac Franche-Comté
Archéologie, le jour d'après