De l’art dans le Hall
Focus sur une oeuvre de la collection du Frac au CDN
Initié en 2020, De l’art dans le hall est le fruit d’un partenariat entre le CDN Besançon Franche-Comté et le Frac Franche-Comté. Au cours de la saison, des oeuvres issues de la collection du Frac sont exposées au CDN. Elles font écho aux intentions dramaturgiques des spectacles présentés sur scène et permettent aux espaces d’accueil du théâtre d’être des espaces de transition entre l’extérieur (non fictionnel) et le lieu de la représentation qu’est le plateau, créant ainsi un sas qui, dès l’entrée, sollicite l’imaginaire.
À travers la vaste collection du Frac, la sélection s’est faite en regard des oeuvres dramatiques représentées : titres, sujets, esthétiques… sont autant de critères qui permettent de créer des échos, des dialogues (clin d’oeil parfois ?).
Les liens peuvent être induits ou fortuits. Les accrochages mensuels sont pensés en fonction d’un spectacle donné mais, comme plusieurs spectacles peuvent être présentés dans le même mois, il ne faut pas absolument chercher à voir le lien. Il ne s’agit pas d’illustrer la programmation du CDN avec les oeuvres de la collection du Frac, mais plutôt de créer des résonances et des échappées.
Limbé de Mathieu Kleyebe Abonnenc
L’investigation menée par Mathieu Kleyebe Abonnenc sur le passé colonial et les dominations impérialistes des grandes nations occidentales épouse deux formes complémentaires : la première vise à sortir de l’ombre les événements volontairement occultés de notre passé commun ; la seconde entreprend de déconstruire les systèmes bâtis sur des mensonges et des réécritures de l’histoire. Son oeuvre traite de la mémoire qui, personnelle ou plurielle, devient toujours collective lorsqu’elle convoque les notions d’identité, de sentiment national, de pouvoir, de fragmentation et de communauté. Qu’a fait la colonisation à l’histoire, et comment apprendre à vivre aujourd’hui avec ces stigmates, cicatrices ou plaies ouvertes ?
Mathieu Kleyebe Abonnenc y répond par la médiation de l’art, une fiction à la violence salutaire
« Rendez-les moi mes poupées noires » clamait dans les années 1930 le poète guyanais Léon-Gontran Damas, un des instigateurs du mouvement de la négritude, dans son poème Limbé. Mathieu Kleyebe Abonnenc lui emprunte ce titre pour sa vidéo éponyme (2021) où l’on retrouve ce sentiment de mélancolie mêlée de revendication. Les contorsions de la danseuse Betty Tchomanga, tout en faisant référence aux sévices imposés aux esclaves relatés par l’écrivain guyanien Wilson Harris, lui donnent l’apparence d’une araignée étrange, comme échappée des gravures d’Odilon Redon. Elle rappelle les démoniaques de Charcot et Richer, les danses et rituels magiques d’Afrique, les créatures merveilleuses ou monstrueuses de la Renaissance. Elle hypnotise surtout, sondant nos ténèbres alors que nous scrutons les siennes.
Benjamin Bianciotto, docteur en histoire de l’art et Sylvie Zavatta, directrice du Frac